Extrait de « Metz d’un petit garçon » de Jean Grosdidier de Matons (Editions Serpenoise, 1989).
Il est stupéfiant de constater combien les élus locaux ont mal fait profiter Metz des visions clairvoyantes de l’oncle de François Grosdidier de Matons, sénateur-maire de Woippy, et 2ème vice-président de Metz Métropole, délégué… au Logement et à l’Habitat communautaire.
La rue Marchant n’était plus aristocratique que par le nom de ses hôtels. Une législation absurde sur les loyers causait la décrépitude des immeubles, qui serait le prétexte futur à leur destruction. Bientôt, les propriétaires renonceraient ; il n’y aurait plus de travaux, donc plus d’artisans ni d’entreprises. Les bourgeois abandonneraient le quartier : plus de revenus supplémentaires pour les petites gens, distribués par plus riches qu’eux, à l’aisance desquels ils étaient associés. Plus de repassages de fin, de ménages à faire, de dîners à servir, de tapis à nettoyer, de meubles à déplacer. Les commerces fermeraient. Les émigrés pauvres feraient tache d’huile, arriveraient avec d’autres mœurs, d’autres cultes, d’autres femmes. Le chômage, bien sûr, se développerait, puisqu’en s’attaquant aux bases sociales, on aurait arasé la structure économique.
Une fois tout un système détruit, les politiciens se donneraient les gants de se pencher sur « un problème humain urgent et angoissant ». Il y aurait un comité Cosinus ou Fenouillard ; il produirait un rapport, rédigé par un futur haut-fonctionnaire, que cela mettrait en valeur, et à qui cela vaudrait une bonne note de stage. Les responsables du gâchis se feraient réélire sur un programme d’urbanisme « moderne et dynamique, pour un meilleur devenir de notre cité ». On voterait des lois compliquées et inopérantes. On coulerait du béton bien criminogène. Un promoteur malin, ou l’architecte bétonneur, soucieux de vivre dans la pierre et sous des plafonds de douze pieds, récupérerait un hôtel pour en faire sa résidence, une fois assuré le relogement à bonne distance de la peu décorative population d’origine, elle-même allégée de quelques vieillards dont le système cardiaque n’aurait pas résisté au choc. On gagnerait donc sur tous les tableaux.
Enfin et surtout, parce qu’au fond cela avait toujours été le but de l’affaire, et pourquoi on avait détruit les solidarités existantes, on encadrerait ce qui resterait de la population, bien traumatisée, dans un service public du logement, avec ses coûts, son clientélisme, sa bureaucratie, sa paperasse, et sa transformation des citoyens libres en ilotes irresponsables, quémandeurs, mauvais payeurs et assistés.