La lecture du Républicain Lorrain du 6 juillet 2013 nous a appris que la Nuit Blanche à venir serait une « fabrique de culture ». En ces temps de doutes et de troubles que vit notre pays, voilà une excellente nouvelle. Dans un passé pas si lointain en effet, des hommes et des femmes ont pu redonner un sens à leur vie, et même survivre, grâce à la culture (« ensemble des connaissances générales d’un individu ») qu’ils avaient pu acquérir par le passé.
Ainsi, à Auschwitz c’est avec la Divine Comédie de Dante que Primo Levi a entrepris d’enseigner l’italien à son ami alsacien Pikolo, et à un moment donné, les deux hommes ont eu le sentiment très fort que cette œuvre concernait tous les hommes qui souffrent. D’après George Steiner, il y avait dans les camps de la mort des «hommes, des érudits, des rabbins qu’on appelait des « livres vivants », qui savaient tellement par cœur qu’on allait les feuilleter. » Jorge Semprun s’inventait des dialogues imaginaires avec Goethe. Dans le camp de travail de Terezin, le chef d’orchestre Raphaël Schächter s’est évertué pendant dix-huit mois à faire répéter et jouer, avec des instruments faits de bric et de broc, et par des musiciens et des choristes exsangues, le Requiem de Verdi. Les exemples sont légion.
Ce précieux bagage permettait ainsi de se souvenir que la vie n’avait pas toujours été un cauchemar, que la beauté avait existé par le passé, et, peut-être, réapparaîtrait un jour.
Alors bien sûr, nous n’avons pas de camps de la mort aujourd’hui dans notre pays, mais nous avons quand même 2.000 milliards d’euros de dettes, le chômage, la précarité, l’insécurité et une actualité de plus en plus sordide. Que nous propose donc la « fabrique de culture » messine pour nous remonter le moral ? D’après le programme : une salle d’attente en carton ondulé, une sculpture en containers, des cabines téléphoniques transformées en aquariums, une masse sculpturale de cassettes audio attachées à des ballons d’hélium, la décomposition de milliers de roses, un brunch-tricot, un terrain de football à échelle humaine, mais vallonné de bosses et de creux, et toutes sortes de spectacles dont la description ressemble à du psychédélisme version 2013.
Avec pareil bagage culturel, Primo Levi aurait-il tenu le coup et aurait-il été capable de témoigner ? Comment les plus fragiles de nos compatriotes d’aujourd’hui peuvent-ils trouver matière à s’accrocher à la vie et à reprendre espoir avec la laideur et l’absurde élevés au rang d’ «art » et de « culture » ?
Une bonne nouvelle malgré tout : les hôpitaux Legouest et Mercy étant partenaires de cette Nuit Blanche, les nombreux comas éthyliques qui ne manqueront pas de se produire, comme tous les ans lors de cette soirée, seront d’autant plus rapidement pris en charge.
Pascale
#NB6 : dernière Nuit Blanche itinérante à Metz !Tant mieux, l’art contemporain ça coûte cher au contribuable !