Intervention de Bérangère Thomas au conseil municipal de Metz le 24 novembre 2016 : Bilan de la concertation et avis sur le projet de Plan de Sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du site patrimonial remarquable (anciennement Secteur Sauvegardé).
Explication de vote :
A l’origine, le secteur sauvegardé est une nécessité pour lutter contre la démolition-reconstruction, de la rénovation urbaine à la mode dans les années 1960. Nous ne pouvons imaginer l’état de dégradation dans lesquels se trouvaient la plupart des quartiers et des centres anciens à la fin des années 1950 : villes détruites par la guerre, immeubles abandonnés, quartiers délabrés et insalubres. A cette période, la France devait faire face à une pénurie de logements dans les villes. La tentation a été d’appliquer à ces centres urbains fragilisés les solutions radicales prônées par les partisans de l’idéologie hygiéniste : démolir et reconstruire des grands ensembles selon les principes du zonage testés sur les quartiers périphériques. La ville ancienne, avec ses quartiers confinés où les vides et les pleins sont étroitement imbriqués, ne pouvait répondre, à ces valeurs exclusives de salubrité, d’espace gagné à la verticale et de voies de circulation larges (autoroutes, voies rapides…).
Fort heureusement, la loi de 1962 a pu protéger les centres historiques de nos villes. Le contexte urbain, politique, social a bien entendu changé, mais, les quartiers historiques restent sous la menace de l’adaptation à la modernité ce qui peut expliquer qu’en 2010, 100 secteurs sauvegardés ont été ainsi créés par l’Etat, en collaboration avec les villes concernées.
La protection patrimoniale est donc toujours d’actualité et le Plan de Sauvegarde comme document « fin », analyse le patrimoine immeuble après immeuble. Il en fixe l’évolution souhaitée : la protection, l’évolution possible ou le nécessaire remplacement.
Le P.S.M.V. a comme un droit de vie ou de mort sur les immeubles anciens dont la démolition pourra ou non être autorisée, parce qu’incongrus dans un riche tissu historique. Mais, quels sont les critères ? Qu’est-ce que sauvegarder ?
Ce plan de sauvegarde nous interpelle sur l’adaptation des textes réglementaires à Metz. En effet, nous nous interrogeons sur l’aspect de continuité urbaine et d’unité architecturale dans des quartiers comme St Thérèse. Nous voyons maintenant à quoi ressemble la réhabilitation de la Manufacture des Tabacs et la ZAC de l’Amphithéâtre : assemblage de bâtiments, de façades, de matériaux hétéroclites, manque de dégagement, de perspective, étages surajoutés … Que dire du choix de camoufler ce qui devait être l’architecture la plus atypique de la ville : le centre Pompidou , Phare de la culture et de la reconversion de Metz ! En vis-à-vis : un hôtel, et 2 immeubles à construire en alignement qui ferment la vision que l’on en avait de la gare ! Ne pouvait-on pas mieux faire pour couper la branche sur lequel on a posé cette « providence » pour Metz ?
Une ville doit avant tout se vivre et non se fuir. Une ville se regarde, se respire, se métamorphose au rythme des saisons, on s’y sent bien, on y reste, on y passe et on y est stressé… bouchon, circulation, bruit, vitesse, pollution…
Nous n’approuvons pas ce choix de densification urbaine. Il ne correspond pas à l’esprit de la ville dont le plus grand chantier de transformation est au début du XX° siècle : ouvrir la ville, lui faire perdre son aspect de ville fortifiée, casser les remparts, construire de larges avenues arborées, une voie de circulation en « ring » ou « anneau » qui fluidifie la circulation autour du centre ville dans l’axe nord/sud, le long des anciens remparts, inviter la nature en ville par la plantation de très nombreux arbres et l’aménagement de squares ! A l’époque l’urbanisme tenait compte de l’usage et de la fonctionnalité mais aussi du bien-être et de la santé.
De nos jours, on peut craindre les politiques commerciales d’habitat qui encouragent les grands ensembles et dont les méfaits seront comparables aux années 1960 : rendre la ville inhumaine et engendrer des problèmes sociétaux. On peut craindre aussi la démesure : aménagements qui ne respectent pas l’échelle formelle et fonctionnelle comme des immeubles de grande hauteur, des grandes surfaces commerciales… etc. Et des projets de restructuration dont le réseau de transport qui a obligé à modifier des éléments majeurs du patrimoine…
Le patrimoine se répare, se restaure, se copie sans honte, il s’entretient, il est le décor vivant de notre histoire au quotidien. Il perpétue des métiers d’art.
Nous pensons que le principe de la modernité ne doit pas être une excuse pour tout permettre à l’urbaniste. Considérer la ville pour la ville. C’est bien les cœurs de ville qui font que Metz s’appelle Metz, que Colmar s’appelle Colmar, que Strasbourg s’appelle Strasbourg… Ce ne sont pas les zones périphériques qui ont fait l’âme d’une ville.
Bérengère Thomas
Conseiller municipal de Metz