(AFP) – Donné en tête au premier tour des régionales dans le Grand Est, le Front national prospère sur la lassitude d’une partie des électeurs. « On a essayé tout le reste. Y’a rien de bon« , expliquent-ils.
Mercredi soir, quelques dizaines de minutes avant que Marine Le Pen ne monte sur scène à Hayange pour soutenir la tête de liste dans l’Est et numéro deux du parti, Florian Philippot, la salle de spectacles du Molitor est presque pleine.
Pascal et Laurence habitent cette ville de plus de 15.000 habitants, dirigée depuis 2014 par le FN. Ils ne connaissent pas vraiment Florian Philippot, mais voteront sans aucun doute pour lui. « On a essayé tout le reste. Y’a rien de bon« , expliquent-ils. Et « en ce moment, on aide plutôt les assistés, on vient toujours prendre à ceux qui travaillent », accuse Pascal, qui travaille chez Citroën.
Quelques rangées plus loin, Claude Müller cherche un candidat qui ne va pas « faire comme ses prédécesseurs« . « Quelqu’un qui ne va pas dépenser l’argent n’importe comment », poursuit-il, donnant en exemple Skylander, projet d’avion tout terrain aidé à hauteur de 20 millions d’euros par la région Lorraine qui s’est soldé par une mise en liquidation judiciaire du promoteur.
Ici dans la vallée de la Fensch, plusieurs usines ont fermé. Les hauts-fourneaux de Florange, devenus l’emblème de la lutte pour le maintien de la sidérurgie dans la région, sont à l’arrêt depuis près de deux ans.
« J’ai voté Mitterrand en 1981 et depuis j’ai compris« , s’échauffe Claude. « Mitterrand avait promis de relancer la sidérurgie, des usines… Tout est fermé. Maintenant il faut sauver ce qu’il reste. On leur a donné assez de chances« .
«Afflux de migrants»
Au milieu des drapeaux bleu-blanc-rouge, Yolande reconnaît que « la nouveauté, ce n’est pas forcément rassurant ». « Mais il faut tout essayer », ajoute-t-elle, avouant ne pas non plus connaître Florian Philippot.
Sa voisine, qui préfère rester anonyme, ne semble pas insensible au discours anti-immigration qui occupe une place centrale dans la campagne du candidat frontiste.
« Quand tu es seule avec ton gosse, t’as rien… On te dit que t’es pas prioritaire« , soupire-t-elle. « Moi, je gagne 800 euros par mois. J’ai un loyer de 560 euros, j’arrive pas à payer. Je demande un logement mais y’a rien… Et les Serbes, ils arrivent et eux…« .
Il y a quelques semaines, le candidat frontiste s’est rendu à Arry, petite commune de Moselle qui a récemment accueilli 51 migrants soudanais de Calais. L’accueil y a été frais, mais cela n’empêche pas le numéro 2 du FN d’évoquer très souvent la question.
Il promet de « tout faire pour arrêter l’afflux des migrants dans nos régions« , par exemple en supprimant les subventions aux communes accueillant des migrants – 200.000 euros pour la Lorraine, 150.000 pour la Champagne-Ardenne. Sur des budgets de respectivement 1 milliard et 684 millions d’euros.
Pour l’instant, en Lorraine, seuls une poignée de villages ont été choisis pour accueillir, durant 4 à 6 mois, des petits groupes de migrants venus de la « jungle » de Calais.
M. Philippot organisera s’il est élu, assure-t-il, une « consultation » sur le sujet.
«On a tous peur»
Quelques jours plus tôt à Metz, sous la pluie, la candidate FN Françoise Grolet distribue avec quelques militants des tracts sur un marché.
Certains pressent le pas et esquivent. D’autres, à peu près autant, saisissent les prospectus en hochant la tête d’un air entendu.
« Avec tout ce qui se passe… on a tous peur. On fait plus confiance au gouvernement« , explique Danièle, tract à la main. Elle ne sait pas pour qui elle va voter: tout ce dont elle est sûre, c’est qu' »il faut que ça change« .
Depuis les attentats, beaucoup de gens « cherchent des solutions », affirme Françoise Grolet, assurant que sur la question de la sécurité et des frontières, le FN a eu « raison avant les autres ».
« Avant les attentats, ils étaient déjà sur cette thématique: il faut plus de frontières et abolir Schengen« , reconnaît Etienne Criqui, politologue et directeur du Centre européen universitaire à Nancy. « La crise des migrants et les attentats, ils exploitent ça sans vergogne« , observe le chercheur. « Et ça paye« .